Première mondiale : le CNRC et l'Université McGill mettent au point un modèle de fabrication virtuelle qui repose entièrement sur l'intelligence artificielle ( IA ) pour accélérer la production d'éléments de photonique sur silicium, de leur conception à leur mise en marché
À mesure que nous générons et traitons une quantité grandissante de données, la demande mondiale augmente en flèche pour des télécommunications, des chaînes de connexion et des technologies de détection meilleures, plus rapides et moins chères. Les chercheurs sont poussés à trouver rapidement des solutions novatrices pour répondre à ces besoins. L'une des forces motrices dans cette course est la photonique sur silicium.
L'intégration et la miniaturisation sont ce qui rend la photonique sur silicium si prometteuse, car ces propriétés laissent entrevoir la transmission et le traitement de données volumineuses à un moindre coût et avec une plus grande économie d'énergie. L'attrait de cette technologie réside aussi dans sa compatibilité avec l'infrastructure existante, laquelle repose sur les semi-conducteurs.
À la fois science et technologie qui manipulent la lumière, la photonique est partout : dans les téléphones cellulaires, les tomodensitomètres, les ampoules DEL, les voitures autonomes et les communications optiques qui alimentent Internet. C'est elle qui véhicule la lumière dans les fibres qui acheminent les signaux de communication à large bande dans les demeures et les commerces des lieux les plus reculés de la planète, avec une rapidité sans précédent et en consommant moins d'énergie.
La prochaine génération de circuits intégrés photoniques doit être encore plus petite, car les systèmes de communication connaissent une croissance exponentielle. Malheureusement, plus petites, les puces d'ordinateur soulèvent de nouvelles difficultés en fabrication, même si la production de semi-conducteurs est parvenue à la fine pointe de la technologie. En effet, les imperfections et les variations, même infimes (de quelques nanomètres), qui surviennent durant la production, peuvent altérer la qualité de l'optique. Il faut donc expérimenter passablement avant que l'on obtienne le composant voulu.
Récemment, le Conseil national recherches du Canada (CNRC), en collaboration avec l'Université McGill, a conçu une solution numérique ingénieuse pour réduire l'impact des imperfections de fabrication sur la performance optique des composants.
« Notre approche inédite recourt à l'apprentissage automatique pour prédire ce à quoi aboutira le modèle théorique une fois fabriqué », explique Dan‑Xia Xu, agente de recherches principale au Centre de recherche en électronique et photonique avancées ( EPA ) du CNRC , professeure associée à l'Université Carleton, et membre de la Société royale du Canada. « Le créateur peut tester virtuellement son modèle, s'assurer qu'il répond aux attentes de son client et recueillir des données précieuses avant que l'on en entreprenne la fabrication. » Selon elle, l'objectif consiste à concevoir et à fabriquer le bon composant « du premier coup ».
Le modèle, en plus de raccourcir nettement le cycle qui va de l'idée au produit, réduit considérablement les coûts. « Avec la méthode expérimentale, chaque essai coûte des dizaines de milliers de dollars. À l'échelle industrielle, on parle même de centaines de milliers, voire de millions de dollars », ajoute-t-elle.
Le modèle de fabrication virtuelle : prévoir et corriger
Pour l'instant, les chercheurs en photonique et les concepteurs industriels ne peuvent échapper à la méthode expérimentale en fabrication. En effet, rares sont les entreprises mettant au point des systèmes et vendant des appareils électroniques qui fabriquent aussi les plaquettes ou les puces de silicium qui font fonctionner leurs appareils. Entreprises « sans usine », elles se cantonnent dans la conception et sous-traitent la totalité de la fabrication à des usines spécialisées. Avant que l'on parvienne au produit définitif, des « ébauches » circulent entre concepteur et fabricant des mois entiers.
« C'est un processus aussi laborieux que complexe et onéreux », déplore Yuri Grinberg, agent de recherches associé au Centre de recherche en technologies numériques (TN) du CNRC et professeur associé à l'Université d'Ottawa. « Les entreprises qui envoient des conceptions travaillent souvent sur plusieurs itérations avec les fonderies avant que les puces ne soient terminées, de sorte qu'elles ne savent pas ce que la précédente a donné avant de devoir en commencer une autre. »
Le modèle de fabrication virtuelle procure un avantage concurrentiel à chaque maillon de la chaîne. Les usines qui réalisent les prototypes, par exemple, pourront vérifier la faisabilité du produit avant de fabriquer les puces ou de céder la technologie à leur clientèle. D'un usage convivial, le modèle permet aussi au concepteur et au chercheur non seulement de prévoir la performance finale du circuit, mais aussi d'y apporter virtuellement des corrections afin qu'il fonctionne comme prévu.
« Nous utilisons un outil IA assez courant. Cet outil saisit de nombreuses images, apprend par l'analyse des schémas et prévoit la structure précise qu'aura le composant photonique sur silicium une fois fabriqué », ajoute M. Grinberg, en soulignant que le côté novateur réside dans le concept. « Dans l'univers de la photonique, il s'agit du premier modèle validé par l'expérimentation qui s'appuie entièrement sur l'intelligence artificielle. Il ne possède aucune notion sur la complexité du procédé de fabrication. »
Le chercheur précise que la capacité d'intégrer les méthodes d' IA à la conception et à la fabrication des composants photoniques confère au Canada un avantage technologique exceptionnel sur un marché où la concurrence est féroce.
Collaborer, c'est progresser
La photonique combine le savoir sur les photons et les électrons qui nous vient de la physique, du génie électrique et de la science des matériaux.
Dans ce projet, les connaissances de l' EPA en photonique intégrée se sont avérées essentielles non seulement pour concevoir les éléments destinés aux puces électroniques, mais aussi pour les prototyper. Parallèlement, on a fait appel à l'expertise en circuits et en systèmes photoniques de la professeure Odile Liboiron-Ladouceur, à l'Université McGill, pour déterminer les nouvelles fonctionnalités optiques dont les circuits de demain auront besoin ainsi que pour réaliser des démonstrations au niveau du système. Nos compétences et Notre expérience ont aussi aidé les chercheurs à cerner les problèmes de conception que pourrait résoudre l' IA et à créer des modèles pour cela. Dusan Gostimirovic, boursier de l'Université McGill au postdoctorat attaché au projet, a contribué au développement de cette technologie en y apportant son talent, son enthousiasme et un vaste bagage de connaissances.
« Ce projet illustre à merveille l'efficacité de la collaboration lorsqu'une équipe multidisciplinaire travaille en étroite association », conclut M. Grinberg. « Nous avons maintenant entrepris de peaufiner la technologie, que nous ferons ensuite breveter. »
Ces travaux sont appuyés par les programmes Défi « Réseaux sécurisés à haut débit » et « L'intelligence artificielle au service de la conception » du CNRC. Le nouveau produit, croit-on, sera prêt à être mis en marché à un moment encore indéterminé, en 2023.
Les cofondateurs de Prefab AI Photonics, soit la professeure Odile Liboiron-Ladouceur et Dusan Gostimirovic (Ph. D.), ont récemment été annoncés comme lauréats du concours des prix William et Rhea Seath 2022-2023 (en anglais seulement) et des subventions TechAcceIR 2022 (en anglais seulement). Ils ont été reconnus pour le développement d'outils correcteurs faisant appel à l'apprentissage machine pour la photonique, fondés sur la PI conjointe avec le CNRC dans le cadre de ce projet.
Apprenez-en plus sur d'autres programmes et initiatives de collaboration en R‑D financées par le CNRC.
Pour en savoir plus sur les recherches mentionnées dans cet article, lisez la publication de l'équipe intitulée « Deep learning-based prediction of fabrication-process-induced structural variations in nanophotonic devices (en anglais seulement) ».
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