Regard sur le ciel : une nouvelle technologie de détection des drones au service de la sécurité nationale

- Ottawa, Ontario

Vue aérienne du camp de base de l'équipe.

Champ d'essai de Valcartier, camp de base de l'Interconnect Bravo-Bravo. Crédit : Michel Guitard, la documentation visuelle scientifique à RDDC.

Partout dans le monde, les drones occupent beaucoup d'espace aérien par les temps qui courent : tournage de séquences pour le cinéma, livraison de marchandises, collecte de données agricoles, aide à la recherche et aux opérations de sauvetage, mais aussi surveillance militaire, repérage de cibles et attaques. Leur taille varie, allant du petit appareil récréatif qui tient dans la paume de la main aux drones militaires qui pèsent plus de 600 kg. Parallèlement, le marché des drones commerciaux devrait prendre un tel essor que son chiffre d'affaires, actuellement de plus de 20 milliards de dollars américains, passera à 500 milliards d'ici 2028.

Avec une telle prolifération, les systèmes d'aéronefs sans pilote (UAS), communément appelés « drones », poseront plus de risques que jamais, accidentels ou pas. En effet, un drone qui photographie un mariage ou un autre évènement pourrait empiéter sur la vie privée des gens. Un autre, survolant un aéroport, une prison ou une base militaire, pourrait compromettre la sécurité. Enfin, dans les conflits armés, un drone pourrait devenir un danger pour la vie humaine, les habitations et les infrastructures.

Un drone orange à l'essai dans le ciel.

Drone Autel Evo II FLIR. Crédit : Michel Guitard, la documentation visuelle scientifique à RDDC.

« Au cours de la dernière année, l'usage des UAS a évolué rapidement sur le champ de bataille en Ukraine », déclare Andrew Scheidl, responsable du programme Outils d'analyse multimédias pour la sécurité du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). « Certes, ces développements affecteront les déploiements futurs des Forces armées canadiennes, mais d'autres auteurs de menaces en profiteront également. Les systèmes de détection et de contre-mesures fiables seront de plus en plus importants pour les applications militaires et de sécurité publique. »

Parmi les incidents qui ont fait les manchettes dans le monde, mentionnons le drone qui s'est écrasé sur le gazon de la Maison-Blanche, ceux qui ont survolé en cercles une centrale nucléaire française et d'autres qui ont bombardé un entrepôt d'armes de l'armée ukrainienne.

Avec l'augmentation quotidienne des scénarios dans lesquels un drone est employé à des fins illicites, la nécessité de systèmes novateurs permettant de les détecter ne fait que grandir. En outre, dans les zones de combat, pouvoir identifier et neutraliser les drones ennemis revêt une importance particulière.

Une collaboration de longue date entre le CNRC et Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC) a mené à la mise au point d'une nouvelle méthode pour détecter les drones, approche qui a mis fin au statu quo existant en recourant à l'intelligence artificielle (IA) pour classer les drones d'après la vitesse à laquelle tournent leurs hélices. L'équipe, composée de spécialistes extrêmement compétents, réunissait à une seule table toute l'expertise nécessaire pour la tâche : optique, physique, traitement des signaux, apprentissage automatique, vision et systèmes neuromorphiques.

L'IA permet d'éviter les dangers et les pièges de la détection des drones

Vue aérienne d'un drone survolant le camp de base de l'équipe.

Drone Matrice 200 transportant le prototype du système de détection visuelle de fréquence du CNRC qui a été testé au camp de base de l'Interconnect Bravo-Bravo. Crédit : Michel Guitard, la documentation visuelle scientifique à RDDC.

Bien que plusieurs méthodes de détection des drones existent depuis longtemps, aucune n'est fiable à 100 %, surtout dans les zones à forte densité urbaine et les forêts. Pourquoi? Dans les environnements complexes, les parasites interfèrent avec le système de détection recourant aux radiofréquences, à l'acoustique ou à l'optique, ce qui peut provoquer des détections erronées ou manquées. Les grands bâtiments et les arbres, par exemple, empêchent les caméras fonctionnant avec la partie visible ou infrarouge du spectre de faire correspondre l'aspect du drone en vol à l'image d'un des modèles gardés dans une vaste base de données. D'autre part, bien que les radars au sol détectent efficacement les drones, les conditions ambiantes et la géographie peuvent en réduire la fiabilité. L'usage des systèmes radar est également fort dispendieux, car on a besoin d'un équipement volumineux qui consomme beaucoup d'énergie. Enfin, parce qu'ils émettent activement des signaux, certains systèmes de ce genre sont plus exposés.

Contrôleur utilisé pour tester et faire voler un drone.

Contrôleur de drone Autel Evo II en gros plan. Crédit : Michel Guitard, la documentation visuelle scientifique à RDDC.

Au cours des 4 dernières années, une équipe de recherche-développement (R-D) composée d'ingénieurs et de scientifiques du Centre de recherche en technologies numériques du CNRC et de RDDC a mis au point une technologie novatrice permettant de repérer passivement les drones dans les espaces très visuellement encombrés. Cette technologie utilise l'IA pour détecter, suivre et identifier avec exactitude le drone d'après le signal produit par ses hélices, plutôt qu'à partir d'une banque d'images. La méthode engendre très peu de fausses alertes et repère avec précision les drones volant au ras du sol, qui utilisent le relief pour ne pas être découverts. La « signature » des hélices peut aussi servir à distinguer ou à classer le type d'aéronef, par exemple différencier un drone d'un hélicoptère.

L'équipe de RDDC a d'abord vérifié la faisabilité d'un système de détection passif reposant sur les caractéristiques du drone en laboratoire. Ensuite, elle a élaboré des algorithmes de détection écoénergétiques, puis prédit la performance du système en recourant à différents appareils. Au terme de quelques essais sur le terrain, l'équipe a finalement construit les premiers prototypes combinant matériel et logiciel, avant de remplacer une partie des capteurs employés pour la modélisation physique par des techniques d'apprentissage automatique et d'IA.

Révolution dans la détection des drones

Pendant une semaine en octobre 2022, l'équipe a évalué les 2 premiers prototypes de son système à la base militaire de Valcartier, au Québec.

« Nos résultats ont clairement mis fin au statu quo, qui reposait sur l'usage de banques d'images pour identifier les drones », estime Guillaume Gagné, scientifique de la défense au centre de recherche de RDDC, à Valcartier. « Les essais ont montré que cette technologie légère tient dans un petit boîtier, consomme très peu d'énergie et — c'est le plus important — offre une excellente précision dans des environnements visuellement encombrés. »

Bien que la technologie ne puisse encore être exploitée commercialement, l'équipe de chercheurs aux multiples talents travaille sur des modifications qui lui permettront de passer à l'étape suivante.

« Nous travaillons à la prochaine génération du prototype qui a été testé avec la collaboration de RDDC et des Forces armées canadiennes », explique Marc-Antoine Drouin, agent de recherche principal de l'équipe Visionique et infographie du CNRC. « Nous devrions en doubler la portée, ajouter une liaison radio pour signaler les appareils repérés et raccorder le système à un logiciel de commandement et de contrôle, si bien qu'il s'intégrera parfaitement à l'écosystème de détection des drones. » Les essais permettront d'établir les lacunes ou les limites du système qu'il faudra régler avant qu'il puisse être mis sur le marché.

Cette réussite s'inscrit dans le cadre du mandat de RDDC, qui consiste à élaborer des technologies répondant aux besoins opérationnels des FAC. « Nous traçons la feuille de route d'un projet pluriannuel avec le Centre de recherche en technologies numériques du CNRC afin de perfectionner encore plus le prototype actuel avec les nouvelles approches et les technologies émergentes », ajoute Guillaume.

Il précise que le projet triennal s'appuie sur une collaboration entre 2 entités gouvernementales qui remonte à plus de 75 ans. Il en est ressorti un partenariat idéal pour soutenir la défense nationale et harmoniser la sécurité militaire à la sécurité civile. L'inventivité incessante de ces chercheurs augure bien pour la sécurité du Canada au cours des longues années à venir.

Pour en savoir plus sur les recherches à l'origine de cette histoire, lisez l'article récent de l'équipe intitulée « A Virtual Fence for Drones: Efficiently Detecting Propeller Blades with a DVXplorer Event Camera » (en anglais seulement – barrière anti-drone virtuelle : détection efficace des hélices avec une caméra DVXplorer).

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