Création de conjugueurs pour les langues Autochtones

« C'est plus qu'un projet. C'est un effort concerté qui nous aidera à maîtriser notre langue. »

Akwiratékha' Martin, agent de recherches, spécialiste en langues autochtones (CNRC)

Au Canada, la majorité des langues Autochtones sont des langues polysynthétiques, ce qui signifie que chaque mot se compose de sept à dix morphèmes (plus petite unité morphologique porteuse de signification). Les verbes sont formés de la même manière. C'est pourquoi leur conjugaison est si difficile à apprendre. Pourtant, elle reste d'une importance capitale, car de nombreuses phrases ne sont en fait constituées que d'un seul verbe, très long. Transcrire la conjugaison de tels verbes dans un manuel est presque une impossibilité. En effet, les verbes mêmes les plus courants comptent des milliers de formulations différentes.

En 2017, Brian Maracle, alias Owennatekha, enseignant autochtone de renom, expliquait à l'équipe du Projet sur les technologies pour les langues autochtones canadiennes (TLA) du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) que l'un des problèmes les plus épineux auxquels il se heurte, et ses collègues de l'Onkwawenna Kentyohkwa Language School avec lui, quand il essaie d'enseigner le Kanyen'kéha (la langue Mohawk) consiste à montrer à ses élèves comment se forment les verbes. En collaborant étroitement avec les enseignants de cette école, l'équipe a donc mis au point un conjugueur Kanyen'kéha baptisé « Kawennón:nis ». Depuis, l'école utilise quotidiennement cet outil interactif, qui affiche la conjugaison des verbes en Ohsweken, dialecte occidental de la langue. Ensuite, avec le concours d'un ou une linguiste et d'un éducateur ou une éducatrice autochtone, l'équipe a créé un conjugueur pour le Kahnawà:ke, le dialecte de l'Est.

Le projet du conjugueur a maintenant pris de l'ampleur pour emprunter les trois nouvelles directions que voici :

  1. Après avoir découvert le Kawennón:nis, les éducateurs qui enseignent d'autres langues autochtones que le Kanyen'kéha ont tant adoré l'idée qu'ils ont supplié l'équipe d'en développer une version pour leur propre langue. Nous avons donc entrepris la création de conjugueurs pour plusieurs nouvelles langues.
  2. Bien que ceux qui enseignent le Kanyen'kéha jugent le Kawennón:nis fort utile, le logiciel qui l'encadre, Foma, et auquel il est intégré, est difficile à maîtriser, même pour ceux et celles qui ont poursuivi des études universitaires en informatique. Afin d'y remédier, nous avons conçu un nouveau cadriciel appelé Gramble qui servira à développer les conjugueurs. Dorénavant, les conjugueurs de nouvelles langues auront donc Gramble pour cadre, plutôt que Foma.
  3. Nous avons exploré une autre suggestion d'Owennatekha. Le Kanyen'kéha est essentiellement une langue orale. Textuelle, la version présente du Kawennón:nis gagnerait en utilité si l'on en prononçait les résultats. Cependant, tout comme il serait impensable d'imprimer un document rassemblant toutes les conjugaisons possibles des verbes, il est tout aussi irréalisable d'en créer un enregistrement. De concert avec des collaborateurs des Six Nations et du Kahnawà:ke, l'équipe a conçu le prototype d'un système qui synthétise la parole et exprime à voix haute la conjugaison des verbes Kanyen'kéha. Le point soulevé par Owennatekha sur l'importance de l'oralité s'applique aussi à d'autres langues autochtones. C'est pourquoi nous avons depuis peu entrepris un nouveau projet qui verra le développement d'un système de synthèse vocale pour trois langues autochtones sans lien entre elles (le Kanyen'kéha, le Nêhiyawêwin et le SENĆOŦEN).

Création du cadriciel de développement Gramble

Gramble a été conçu afin que les éducateurs autochtones puissent élaborer des applications grammaticales interactives dans leur langue d'une manière à la fois intuitive et conviviale, grâce à une interface familière qui rappelle celle d'un chiffrier. L'équipe TLA espère diffuser bientôt ce cadriciel de source ouverte.

Pour l'instant, les membres de l'équipe ont mis au point un conjugueur pour trois langues autochtones :

  • le Mi'kmaq;
  • le Michif (langue ancestrale des Métis);
  • l'Anishinaabemowin (comme on le parle dans la réserve de Kitigan Zibi, au Québec).

On se sert aussi de Gramble pour créer des applications interactives dans deux autres langues :

  • le Nêhiyawêwin (Cris des plaines);
  • le SENĆOŦEN (Saanich).

Jusqu'à présent, l'équipe a appliqué avec succès Gramble à la grammaire de trois familles linguistiques sans aucun lien : le Kanyen'kéha, une langue iroquoienne; le Mi'kmaq, le Michif, l'Anishinaabemowin et le Nêhiyawêwin, des langues algonquiennes; et le SENĆOŦEN, une langue des Salish de la côte. On en déduit que le cadriciel est assez souple pour fonctionner aussi avec d'autres groupes linguistiques.

Collaborateurs

Objectifs

  • Créer une version du conjugueur Kawennón:nis (en anglais seulement) pour l'ohsweken, dialecte de l'ouest du kanyen'kéha
  • Élargir le Kawennón:nis au dialecte de Kahnawà:ke (est)
  • Mettre au point Gramble, un logiciel grammatical plus simple
  • Exploiter Gramble, appliquer les outils de conjugaison à d'autres langues autochtones, dont le michif, l'anishinaabemowin, le mi'kmaq, le nêhiyawêwin et le SENĆOŦEN
  • Perfectionner la technologie de synthèse vocale afin d'aider les étudiants à maîtriser la prononciation des verbes conjugués

Contactez-nous

Généralités
Roland Kuhn,
Chef de projet, Technologies pour les langues autochtones
Courriel : Roland.Kuhn@nrc-cnrc.gc.ca

Langue kanyen'kéha
Akwiratékha' Martin
Courriel : Akwiratekha.Martin@nrc-cnrc.gc.ca

Conjugueur Kawennón:nis
Anna Kazantseva
Courriel : Anna.Kazantseva@nrc-cnrc.gc.ca

Cadriciel Gramble
Patrick Littell
Courriel : Patrick.Littell@nrc-cnrc.gc.ca

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