Sur la voie de trains plus performants avec les essieux montés instrumentés du CNRC

- Sept-Iles, Québec

Système EMI sur un wagon

Le système d'essieux montés instrumentés (EMI) du CNRC permet de mesurer les forces s'exerçant sur les roues et les rails pendant les opérations commerciales sur toute la voie ferrée.

Dix trains transportant chaque jour 25 000 tonnes de minerai de fer sur 414 km de terrain accidenté à une vitesse qui peut monter à 64 km à l'heure ont un impact important sur une voie ferrée et son infrastructure. Heureusement, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a mis au point un système d'une très grande précision pour surveiller l'état des rails et aider les sociétés ferroviaires à anticiper d'éventuels dangers ou problèmes opérationnels, ainsi qu'à dresser un plan d'entretien préventif pour les éviter.

Les trains chargés de minerai de fer de la compagnie ferroviaire Quebec North Shore & Labrador (QNS&L) traversent les étendues sauvages du Canada entre une mine située près de Labrador City et le port de Sept-Îles. La voie, qui appartient à l'Iron Ore Company of Canada, est sérieusement malmenée par ces mastodontes. En plus d'être onéreux, la maintenir en bon état représente un défi complexe. En effet, le passage continu de charges aussi lourdes, l'exposition à un rude climat, le relief tourmenté, tous ces facteurs entraînent une usure et des détériorations imprévues qui compromettent la sécurité et font vieillir prématurément le réseau.

L'industrie se fie depuis toujours à une carte en relief du parcours pour prendre des mesures et identifier les problèmes découlant du poids énorme et des forces puissantes qui s'exercent sur la voie quand circulent les trains. C'est ce qu'on appelle la « géométrie de la voie ». Cette technique d'inspection suppose l'usage d'un wagon spécialement conçu pour jauger et vérifier divers paramètres quand il circule sur les rails. Toutefois, elle ne prend pas en compte tous les facteurs susceptibles de causer des dommages à la voie, notamment la dynamique et la lubrification du matériel roulant. Cette technique ne permet pas non plus d'anticiper les endroits subissant les plus grandes contraintes. Par conséquent, l'exploitant qui ne recourt qu'à la géométrie de la voie pour surveiller l'état des rails apprend parfois l'existence d'un problème uniquement quand les détériorations sont devenues manifestes ou quand survient un accident.

Pour y remédier, le CNRC a imaginé et développé un robuste système d'essieux montés instrumentés (EMI) qui recueille et analyse des données sur les forces et les interactions roue-rail. En bref, l'EMI consiste en l'essieu ordinaire d'un véhicule ferroviaire pourvu d'une série d'instruments qui mesurent les contraintes. L'essieu se mue alors en véritable cellule roulante dynamique qui glane en permanence une foule de données sur les forces agissant le long de la voie. L'utilité réelle de ce système réside dans l'analyse des données recueillies. En effet, grâce à l'EMI du CNRC, les sociétés ferroviaires comme QNS&L peuvent surveiller constamment et en temps quasi réel les forces s'exerçant sur les roues et les rails pendant les opérations commerciales. Le système permet aussi d'identifier les aspects préoccupants au niveau de l'entretien et de la sécurité, avant qu'il y ait aggravation et que survienne un incident potentiellement majeur.

« Autrefois, la géométrie de la voie suffisait pour nous signaler l'existence d'un problème potentiel, mais cette méthode d'inspection ne brosse pas un tableau complet de la situation », explique Dominique Sirois, ingénieur en chef à QNS&L. « Notre projet de recherche d'un an avec l'EMI du CNRC nous a aidés à bien établir où des forces potentiellement dangereuses s'appliquent sur la voie et à prendre par anticipation des mesures qui régleront le problème grâce à un entretien correctif précis. Nous avons dressé un nouveau plan de maintenance articulé sur le rendement, qui a débouché sur d'importantes économies pour QNS&L. »

La technologie EMI du CNRC retient aussi l'attention à l'international. En collaboration avec QNS&L, l'équipe CNRC-QNS&L a notamment présenté les résultats de ses travaux dans une foule de colloques, dont le colloque et le salon de 2020 de l'AREMA. Par ailleurs, en avril 2021, l'équipe a été heureuse d'apprendre que son projet venait de remporter le prix régional pour l'innovation de l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Sur la bonne voie avec des données en temps réel

Pour mener à bien ces recherches, le CNRC a équipé un wagon ordinaire de QNS&L charriant le minerai de fer avec 2 EMI une année entière. Dès le premier trajet, QNS&L a reçu un rapport détaillé et précis sur l'état de sa voie.

« En plus de mesurer les forces qui s'exercent sur les rails et dans le train, l'accélération des wagons ainsi que l'efficacité du système de freinage tout le long du parcours, lors du fonctionnement régulier du chemin de fer, nous avons pu vérifier la performance des dispositifs électroniques de l'EMI sur une voie passablement difficile », déclare Albert Wahba, responsable du programme Transports terrestres résilients du CNRC. « Pour vider le minerai dans le conteneur d'expédition, un motobasculeur rotatif renverse le wagon presque complètement. L'opération est brutale et l'équipement des EMI fixés au wagon a été mis à rude épreuve. L'EMI a vraiment prouvé qu'il fonctionne dans les conditions les plus rudes d'un chemin de fer. »

« L'EMI est le seul outil capable de jauger les contraintes roue-rail en temps réel sur toute la longueur de la voie », affirme Jason Pierosara, agent, Développement des affaires avec la clientèle du programme Optimisation des voies ferrées et des véhicules ferroviaires du CNRC. La technologie a été testée sur de brèves périodes au fil des ans, mais jamais encore aussi longtemps sur un train en exploitation, en Amérique du Nord, et dans de telles conditions. D'autre part, le système EMI du CNRC recourt à un wagon ordinaire, pas un wagon spécialement adapté pour la recherche. Il n'y a donc aucune perturbation du service et il est inutile d'installer du personnel supplémentaire à bord pour surveiller les appareils. « Quand on connaît les forces que subit la voie ferrée et voit comment elles évoluent à chaque passage du train, il est possible d'anticiper les problèmes et d'adopter des mesures pour les surmonter », conclut M. Pierosara.

Selon Yan Liu, chercheur principal et chef de l'équipe de simulation des véhicules et d'analyse des données au CNRC, l'EMI fournit des données dès la première journée. Pour aider le directeur de l'exploitation et les ingénieurs de la société ferroviaire à tirer parti de la masse d'informations glanées par l'EMI, M. Liu et son équipe ont créé un système d'analyse intuitif et très perceptif baptisé RDIAS (pour Rail Data Integration and Analytics System ou système d'intégration et d'analyse des données ferroviaires) qui convertit les calculs complexes en informations utiles dont l'exploitant peut se servir pour prendre des décisions judicieuses et économiques sur l'état de la voie.

Prendre les devants

Le chemin de fer reste le principal moyen de transport terrestre – le plus écologique aussi – pour acheminer des marchandises, de la source au marché. Bon an mal an, des produits canadiens d'une valeur d'environ 310 milliards de dollars sont chargés sur 5 millions de wagonsNote de bas de page 1 et véhiculés vers des villes, des ports ou des usines. Depuis 1836, le rail est également la façon la plus rentable d'expédier à peu près tout par voie terrestre, qu'il s'agisse de céréales, de bois, de minéraux ou de carburant. En plus d'être le moyen de transport le moins polluant, le train est 4 fois plus efficace que le camion, car un wagon peut transporter à lui seul la cargaison de jusqu'à 300 véhicules.

M. Liu prévoit que le déploiement des nouvelles technologies aboutira éventuellement à la modernisation des règlements sur les chemins de fer grâce à l'adoption de normes plus sécuritaires et plus efficaces. S'ensuivra un meilleur rendement, fondé sur une approche qui mise davantage sur la maintenance et la sûreté des rails. « C'est sur ce plan que le système EMI du CNRC aidera les sociétés ferroviaires à se surpasser. »

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