La surveillance de l'état de santé passe de l'hôpital au domicile grâce à une nouvelle technologie sans contact

- Ottawa, Ontario

Les abonnés aux services bancaires en direct peuvent vérifier l'état de leurs comptes où qu'ils soient, quand leur en vient l'envie. Une nouvelle technologie permettra aux malades d'en faire autant à distance avec leur état de santé, grâce à des capteurs sans contact.

Se rendre à l'hôpital ou dans une clinique pour que l'on y contrôle ses signes vitaux est une démarche aussi déplaisante et laborieuse qu'aller dans une grande banque faire la queue jusqu'à ce que l'on parvienne au guichet. Le plus souvent, des fils, des adhésifs et du Velcro raccordent les capteurs aux appareils qui mesurent le rythme cardiaque, la température, la tension artérielle et la concentration d'oxygène dans le sang. Difficile de bouger avec un tel harnachement! En outre, le nombre de tests qui peuvent être effectués à la fois reste limité. Ajoutez à cela une pandémie, et se faire examiner en personne par un médecin devient presque une impossibilité.

Tout cela sera bientôt de l'histoire ancienne. En effet, l'épidémie de COVID‑19 a vite amené le secteur de la santé à troquer l'examen et les soins en personne habituels pour des technologies qui effectuent dans une large mesure le même travail virtuellement. Dans le cadre du Programme Défi en réponse à la pandémie du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), des solutions numériques inédites en médecine mettront l'accent sur la sécurité et la commodité pour toutes les personnes concernées.

L'une de ces solutions consiste en un logiciel de détection sans contact qui sera intégré aux systèmes de soins virtuels. Grâce à lui, patients et médecins suivront les signes vitaux (rythme cardiaque, saturation en oxygène, fréquence respiratoire, température) de façon sécuritaire, à bonne distance de l'équipement.

Deux chercheures du CNRC utilisent une tente hypoxique pour leurs expérimentations sur un dispositif médical
es chercheures du CNRC utilisent une tente hypoxique, semblable à celles utilisées par les athlètes pour l’entraînement en altitude, pour baisser le niveau d’oxygène dans le sang du sujet. Cette façon de faire permet de valider en toute sécurité les résultats obtenus par leur technologie expérimentale pour mesurer les signes vitaux.

« Les professionnels de la santé utilisent déjà un ordinateur et une caméra pour suivre virtuellement un patient et le prendre en charge. Cependant, avant de pouvoir confirmer leur diagnostic et prescrire un traitement en ligne, ils ont besoin de données objectives », explique Di Jiang, chef d'équipe au Centre de recherche sur les dispositifs médicaux du CNRC. « La nouvelle technique de détection sans contact recourt à la caméra des ordinateurs portables, des téléphones cellulaires et d'autres appareils portatifs pour relayer au clinicien un relevé des signes vitaux en temps quasi réel. »

Mme Jiang précise que, bien que certains capteurs sans contact existent, leur fiabilité, leur précision et leur robustesse doivent être confirmées par des recherches et une validation supplémentaires. « Le CNRC rehausse la robustesse et la précision des algorithmes de détection sans contact existants par l'augmentation numérique, une technologie qui s'appuie sur l'apprentissage automatique, la visionique et les propriétés optiques de la peau. Nous créons aussi de nouveaux modèles ». En octobre 2020, le logiciel de détection sans contact du CNRC fera l'objet d'essais cliniques préliminaires avant d'être confié au Département de médecine d'urgence de l'Université de la Colombie‑Britannique (UCB) pour y être analysé et validé.

La collaboration : source de succès

« Aussi importante que soit la simulation en laboratoire durant le développement, la technologie doit être validée avec de vrais patients, en salle d'urgence. C'est ce que fera l'UCB », reprend Mme Jiang. Pour rassembler des données sur la saturation en oxygène (hypoxie) essentielles à son instrument, le CNRC a examiné des sujets placés sous une tente hypoxique commerciale, dans laquelle l'air est appauvri en oxygène. Les athlètes tels les alpinistes utilisent les tentes de ce genre pour s'adapter aux hautes altitudes. « Cela nous a permis d'obtenir les données dont nous avions besoin sans faire appel à de vrais patients. »

Il reviendra au Dr Kendall Ho, chef de l'unité d'urgentologie numérique, à la Faculté de médecine de l'UCB, de tester le logiciel sur les malades. « Les personnes atteintes de la COVID‑19 voient la concentration d'oxygène dans leur sang baisser dangereusement à leur insu. C'est un phénomène bien connu, explique‑t‑il. Parfois, elles déclarent manquer légèrement de souffle. Malheureusement, sans chiffres sur la saturation d'oxygène, il est impossible de dire avec certitude qu'elles peuvent rester chez elles ou doivent se rendre sans tarder à l'hôpital. »

Selon Dr Ho, en pareil cas, on demanderait à la personne concernée si elle accepte de participer à l'étude en demeurant dans la salle d'attente. Un clinicien installera alors l'ordinateur doté d'une caméra spéciale devant lui pour que l'on suive et enregistre l'évolution des signes vitaux. Pour confirmer la précision du logiciel, ses chiffres seront comparés aux relevés obtenus avec le matériel hospitalier habituel.

« Notre analyse clinique de l'hypoxie et d'autres signes vitaux nous indiquera la façon d'intégrer le système aux soins virtuels, de manière générale, poursuit‑il. Nous déterminerons aussi comment s'en servir dans diverses situations comme les soins communautaires, les soins d'urgence, la recherche des contacts et le suivi du malade. »

Cette collaboration entre le CNRC et l'UCB allie l'application de la technologie en médecine et le côté technique du développement des dispositifs médicaux. « Personne ne peut réaliser cela seul. Collaborer nous donne la chance de concrétiser le passage au numérique », estime Dr Ho qui, en plus de poursuivre des recherches en médecine et d'enseigner à l'université, exerce l'urgentologie. « Travailler avec le CNRC est pour moi un privilège, car ses chercheurs disposent d'un savoir‑faire exceptionnel, surtout en génie, en informatique et en outillage. En outre, le CNRC peut dénicher des techniciens pour l'aider dans ses travaux et étendre l'utilité de l'instrument. »

Hors de l'hôpital

Les avantages d'un logiciel capable d'évaluer les signes vitaux ne se résument pas au milieu clinique. En effet, en recourant à la caméra intégrée à chaque appareil mobile, les Canadiennes et Canadiens pourraient se renseigner sur leur état de santé en gardant l'œil sur leurs signes vitaux. Ils sauraient donc exactement quand le moment est venu de consulter un médecin. L'outil sera également mis à la disposition de l'industrie pour qu'elle l'incorpore à ses plateformes de télémédecine et le logiciel aidera l'Agence de la santé publique du Canada à déterminer la nature et le sérieux des maladies. Enfin, le dispositif se prête à merveille au dépistage à la frontière et dans les aérogares, car il vérifie sans délai les signes vitaux tout en permettant la distanciation physique.

La phase de validation à l'hôpital de l'UCB devrait se poursuivre jusqu'en juillet 2021, lorsque les patients auront accès au logiciel du CNRC pour évaluer leurs signes vitaux sur leur propre appareil. Les essais cliniques dans la salle d'urgence de divers hôpitaux canadiens pourraient, espère‑t‑on, se dérouler à la fin de 2022. Ensuite, si les résultats tiennent la route, le CNRC facilitera le déploiement du système.

« La pandémie de COVID‑19 nous a incités à mieux cerner les lacunes du système de la santé et à chercher comment la technologie pourrait nous aider à repenser celui‑ci », conclut Dr Ho. « Cet outil y contribuera. Il ne nous aidera pas seulement maintenant, mais pourrait avoir de longues retombées en changeant la façon dont les professionnels de la santé s'associent à leurs patients pour qu'ils se portent mieux chez eux. »

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