Au Canada, les ponts sont des liens vitaux pour les collectivités urbaines ou isolées. Comme l'indique une enquête sur les infrastructures publiques réalisée en 2020, le Canada dispose de plus de 50 000 ponts publics, dont plusieurs approchent la fin de leur vie utile : 11 % (soit 5 865 ponts) ont été signalés comme étant en mauvais ou très mauvais état. Bien que la durée de vie théorique d'un pont soit de 50 à 75 ans, ils peuvent durer plus longtemps en toute sécurité s'ils sont bien surveillés et entretenus en temps voulu, ce qui nécessite toutefois un investissement public important.
Dans le cadre du programme Intelligence artificielle au service de la logistique du Conseil national de recherches du Canada, des chercheurs se penchent sur ces enjeux en collaboration avec des experts de Logement, Infrastructures et Collectivités Canada, de Esri Canada et de l'Université du Manitoba. Ensemble, ils élaborent des méthodes améliorées de contrôle permanent de l'état des infrastructures et d'aide à la décision pour les investissements d'entretien. Ils se servent d'un viaduc au Manitoba pour mener leurs études.
Le projet s'intitule A Data-Driven Approach to Enhance Transportation Infrastructure Resiliency through Bridge Monitoring (« Méthode fondée sur les données pour le renforcement de la résilience des infrastructures de transport grâce au contrôle de la sécurité des ponts »). La recherche est parrainée par le Programme canadien pour la sûreté et la sécurité (PCSS) de Recherche et développement pour la défense Canada, un programme géré en partenariat avec Sécurité publique Canada. Ce projet est évalué à plus de 2 M$, dont 1,4 M$ vient du PCSS.
Le PCSS a comme principale responsabilité, entre autres, d'appuyer la recherche et le développement afin de réduire les risques auxquels est exposée la population canadienne en cas d'évènements peu probables mais lourds de conséquences, comme les pandémies, les tsunamis, les attaques terroristes, ou encore les effondrements catastrophiques de ponts dus à des déficiences structurelles et au vieillissement de l'infrastructure. Par exemple, la rupture catastrophique du viaduc de la Concorde à Laval, au Québec, le 20 septembre 2006, a fait 6 blessés et 5 morts. Un examen ultérieur a révélé qu'une inspection inadéquate, la détérioration du béton et des fissures avaient contribué à la catastrophe.
Incidence des changements climatiques et des conditions météorologiques extrêmes sur la performance et l'intégrité structurale des ponts
Les effondrements de ponts ne constituent pas un phénomène nouveau, mais les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes augmentent les risques qui pèsent sur la performance et l'intégrité structurale des ponts. Ces risques et ces vulnérabilités comprennent les changements de température et les catastrophes naturelles comme les inondations et autres évènements météorologiques extrêmes.
Les conditions météorologiques extrêmes et les difficultés d'accès dans les régions éloignées et nordiques du Canada peuvent limiter les possibilités d'inspection des ponts et entraîner des risques plus importants pour les inspecteurs qui tentent d'accéder à des sections de ponts exposées. Or, le risque élevé d'impacts climatiques sur l'intégrité structurale des ponts dans ces régions rend les inspections régulières de plus en plus importantes.
2 technologies de surveillance distinctes sont utilisées et comparées dans le cadre du projet : des capteurs radar embarqués sur satellite et des capteurs in situ fixés à la surface des éléments structurels du viaduc pour évaluer la déformation, l'accélération et la température.
Chaouki Regoui, du Centre de recherche en technologies numériques, dirige le volet IA du projet. Daniel Cusson, du Centre de recherche en construction, assure la direction des opérations de contrôle par satellite en utilisant l'imagerie par radar à synthèse d'ouverture (SAR). L'imagerie SAR est un type de collecte active de données dans lequel un capteur produit sa propre énergie et enregistre ensuite la quantité d'énergie renvoyée par la surface terrestre ou l'environnement bâti.
Le professeur Aftab Mufti, du Centre de ressources d'innovation structurelle et de technologies de surveillance de l'Université du Manitoba, en collaboration avec les professeurs Douglas Thomson et Jonathan Regehr, dirige l'analyse des incidences de la circulation et de l'environnement sur la détérioration du viaduc. Esri Canada fournit ses outils et son savoir-faire en matière de systèmes d'information géographique. La Division de la science des données de Logement, Infrastructures et Collectivités Canada travaille à la mise au point de modèles pour étudier les effets des perturbations de la circulation sur les indicateurs socioéconomiques.
Les enseignements tirés de l'étude du viaduc au Manitoba devraient être applicables à la surveillance d'ouvrages similaires ailleurs au Canada. Cela améliorera le potentiel de surveillance à distance des ponts et réduira les risques physiques et économiques liés aux défaillances structurelles de ces structures. L'équipe compte notamment mettre au point un prédicteur de l'état des ponts basé sur l'IA, que les autorités publiques pourraient utiliser pour aider les décideurs dans leurs opérations et leurs investissements dans l'entretien, la réfection ou le remplacement des ponts.
Création d'un dépôt de données pour assurer la sécurité des infrastructures
Ce projet contribue également à la création du centre intégré de stockage des données de notre programme Intelligence artificielle au service de la logistique. Ce dépôt de données rassemble un large éventail d'informations liées à la logistique, y compris des données sur l'infrastructure et le contexte, qui sont importantes pour l'étude des effets dynamiques de la circulation et des conditions environnementales sur les ponts et autres infrastructures. Le projet renforcera l'utilité de ce dépôt de données en y intégrant des capacités d'analyse et de visualisation, améliorant ainsi son utilité pour la recherche nécessitant d'analyser des données ou de faire appel à l'apprentissage machine.
Margaret McKay, responsable du programme Intelligence artificielle au service de la logistique, a bon espoir que ce projet et d'autres semblables auront un impact positif dans la vie des Canadiens et des Canadiennes. « Les connaissances et les outils fournis par ce projet aideront les autorités publiques à garantir la sécurité des ponts dans toutes les régions, quels que soient les défis géographiques ou climatiques. C'est une grande victoire pour tout le Canada », affirme-t-elle.
Il est certain que ce projet peut contribuer à rendre les infrastructures canadiennes plus sécuritaires et à réduire les risques et les perturbations pour les personnes qui circulent sur les ponts au quotidien.
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