De nouveaux étalons pour la cancérologie

- Ottawa, Ontario

Si l'on en croit la Société canadienne du cancer, au-delà d'un tiers des Canadiens et Canadiennes développeront une forme de cancer durant leur vie. Or, parmi les personnes chez qui l'on diagnostiquera un cancer, près de la moitié seront soignées avec des rayonnements ionisants, uniquement ou en combinaison avec un autre traitement, comme la chirurgie ou la chimiothérapie. D'autre part, chaque centre anticancéreux du Canada compte sur les installations du Centre de recherche en métrologie du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) pour étalonner les appareils qui dosent les rayonnements. La traçabilité des étalons s'inscrit dans le système qui garantit des traitements de radiothérapie homogènes, partout au pays.

À l'instar des autres disciplines médicales, la radiothérapie ne cesse d'évoluer et, à mesure que de nouvelles techniques thérapeutiques voient le jour, on a besoin de nouveaux étalons non seulement pour s'assurer que les appareils qui dispensent le traitement sont réglés avec la précision voulue, mais aussi pour instaurer un système international d'équivalences. Pareil système revêt encore plus d'importance du fait que les essais cliniques se déroulent de plus en plus à maints endroits, dans de nombreux pays autour du globe.

Pendant plus de vingt ans, le CNRC a été reconnu mondialement comme un chef de file en calorimétrie des rayonnements, technique qui mesure les effets des rayons sur la matière avec laquelle ils entrent en contact. Lorsqu'ils traversent la matière, les rayonnements en élèvent la température, ce que l'on mesure au moyen d'un calorimètre. Lors d'une séance de radiothérapie typique, la température s'élève d'environ un millikelvin (un millième de degré Celsius). Or, mesurer une si faible hausse constitue un véritable défi, défi que des experts ont relevé dans les projets qu'ils ont récemment entrepris au Centre de recherche en métrologie en testant des calorimètres spéciaux dans des installations externes, dans le contexte de trois nouveaux traitements de radiothérapie.

La protonthérapie au TRIUMF

Le projet sur la première thérapie a amené l'équipe de dosimétrie médicale et industrielle du Centre de recherche en métrologie à collaborer avec les scientifiques de TRIUMF (en anglais seulement), l'accélérateur de particules canadien qui se targue de posséder le plus grand cyclotron de la planète. Un cyclotron accélère les protons et, au cours de la dernière décennie, plusieurs centres anticancéreux s'en sont procuré un afin d'ajouter la protonthérapie à leur arsenal, car cette technique s'avère extrêmement efficace pour soigner le cancer chez les enfants. Pour l'instant, il n'existe aucun centre de protonthérapie au Canada. Cependant, des initiatives devraient remédier à la chose et le premier centre du genre deviendra opérationnel au cours des quelques années qui viennent. En prévision de cela, les chercheurs du CNRC et de TRIUMF se sont alliés afin de mettre au point une méthode qui permettra d'étalonner avec précision les faisceaux de protons.

En novembre 2022, une équipe pilotée par Claudiu Cojocaru (Ph. D.), agent de recherches au CNRC, a procédé au premier relevé calorimétrique d'un faisceau de protons jamais réalisé au Canada, à l'installation de TRIUMF. Grâce à elle, on a pu établir une méthode dont les futures cliniques canadiennes pourront se servir pour étalonner avec précision leurs appareils. Le projet comprenait la construction et l'expédition à Vancouver d'une copie intégrale du système actuel d'étalons primaires du CNRC, son assemblage rapide et sa mise en service sur place, ainsi que la réalisation d'une série complète de mesures afin d'établir des paramètres de performance.

Large vue intérieure de la salle qui abrite l'accélérateur de particules montrant les piles de gros blocs en béton qui ceinturent le cyclotron.

Installation de TRIUMF abritant le cyclotron, à Vancouver.

James Renaud, debout devant le calorimètre. L'appareil est connecté à une plateforme tabulaire supportant des disques cylindriques d'environ un mètre de diamètre, en position verticale. De nombreux tuyaux et fils raccordent ces disques au côté de la plateforme. Le faisceau est diffusé par une ouverture dans un cylindre.

L'agent de recherches James Renaud devant le calorimètre à eau, installé pour étalonner le faisceau d'un traitement oculaire.

Claudiu Cojocaru et James Renaud, devant leur ordinateur, discutant des données expérimentales.

Les agents de recherches Claudiu Cojocaru et James Renaud examinent des données dans la salle de commande.

Le faisceau de rayons X du Centre canadien de rayonnement synchrotron

Un deuxième projet prévoit l'usage d'une nouvelle sorte de calorimètre avec les faisceaux de rayons X que diffuse un synchrotron. L'appareil devrait servir d'étalon primaire en dosimétrie pour les faisceaux du Centre canadien de rayonnement synchrotron (CLS) (en anglais seulement) de Saskatoon, installation qui produit la lumière la plus vive au Canada. Les faisceaux de rayons X du synchrotron sont le plus souvent utilisés pour des applications d'imagerie et d'analyse des matériaux, mais ils possèdent également des propriétés uniques qui ouvrent la voie à de nouvelles techniques de traitement qui ne sont pas disponibles avec les systèmes de rayons X courants. Malheureusement, on n'en a pas encore bien établi la dosimétrie, c'est-à-dire la quantité ou la dose de rayons absorbée par la substance irradiée. Afin d'y remédier, des chercheurs de l'équipe de dosimétrie médicale et industrielle du CNRC et l'étudiant au doctorat à l'Université Carleton, Islam El Gamal, ont créé un jeu d'étalons primaires pour le CLS. Ils ont conçu, construit et mis en service un tout nouveau type de calorimètre optimisé pour les faisceaux de rayons X du CLS. Les essais sur le prototype, qui se sont terminés à la fin de 2022, ont validé les simulations et précisé les valeurs théoriques. La prochaine étape consistera à élaborer une méthode de mesure courante et à comparer le nouveau détecteur canadien à d'autres normes nationales.

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Haut de deux étages, le synchrotron occupe le CLS, une installation de la grandeur d'un terrain de football. L'instrument se compose d'accélérateurs, d'émetteurs de faisceaux, d'un vaste réseau de tubulures métalliques sous vide parcourant toute la longueur du synchrotron et d'un enchevêtrement de fils. Sur une grande bannière, on peut lire les mots « The brightest light in Canada » (la lumière la plus vive au Canada).

Le synchrotron, dans la grande salle du Centre canadien de rayonnement synchrotron.

Islam El Gamal, étudiant au doctorat à l'Université Carleton, installe le calorimètre.

Islam El Gamal, étudiant au doctorat à l'Université Carleton, installe le nouveau calorimètre d'environ 15 cm sur 20 cm dans la chambre d'irradiation.

Un moniteur affiche le calorimètre en train d'effectuer un test, en gros plan. Les diverses mesures apparaissent sur le tableau de bord virtuel, à côté de l'image.

Gros plan du calorimètre sur une télévision à circuit fermé de la salle de commande.

La radiothérapie à ultra haut débit

Les physiciennes médicales Tania Karan (à l'arrière-plan) et Claudia Mendez, de la BC Cancer Agency, installent le calorimètre portatif le long du faisceau d'électrons FLASH d'un accélérateur linéaire, en clinique.

Dans un troisième projet, on élabore un étalon primaire dont on se servira pour étalonner les accélérateurs linéaires employés dans le cadre d'un autre traitement : la radiothérapie à débit de dose ultrahaut. Depuis quelques années, des chercheurs de divers pays se penchent sur la technique FLASH, une sorte de traitement qui pourrait changer la donne en radiothérapie. Lors d'une radiothérapie habituelle, le patient est exposé aux rayonnements au long d'une période de six semaines. Avec la technique FLASH, la dose complète est diffusée en moins d'une seconde. On maîtrise donc la tumeur avec de moins grandes séquelles pour les tissus sains. Outre la meilleure expérience que traverse manifestement le patient, cette nouvelle thérapie met un terme à l'un des principaux motifs qui entraînent l'interruption d'une radiothérapie classique, soit les effets néfastes sur les tissus sains. C'est ce qui rend la technique FLASH particulièrement attrayante. Néanmoins, étalonner un faisceau à débit de dose ultrahaut pose de sérieuses difficultés. Une solution consisterait à créer un étalon primaire pour les faisceaux cliniques. Les agents de recherches Bryan Muir et James Renaud ont piloté le projet et les premières démonstrations ont été couronnées de succès, dans deux centres anticancéreux de la Colombie-Britannique. Les mesures obtenues instillent la confiance dans la dose appliquée par la radiothérapie FLASH et confirment l'utilité des simulations en clinique lors des recherches précliniques.

De meilleurs traitements contre le cancer grâce à la collaboration

Ces trois projets, qui accroîtront l'efficacité de la lutte contre le cancer, témoignent de l'excellence des scientifiques et des techniciens du CNRC, ainsi que de leur travail. Selon Malcolm McEwen, chef de l'équipe de dosimétrie médicale et industrielle, « en combinant les compétences en physique des rayonnements, en génie mécanique, en électronique de précision, en simulation sur ordinateur et en soufflage du verre à des fins scientifiques, nous avons réussi à mettre au point des détecteurs de rayonnements spéciaux, optimisés pour les techniques actuelles et émergentes employées en radiothérapie pour combattre le cancer. L'impératif à l'origine de ces efforts est de garantir aux patients canadiens que le traitement contre le cancer qui leur a été prescrit sera administré avec la précision voulue et une issue plus heureuse. »

L'équipe du CNRC tient à remercier les personnes qui suivent, sans lesquelles ils n'auraient pu mener leur travail à bien : Tania Karan (BC Cancer Agency), Cornelia Hoehr (TRIUMF), Camille Bélanger-Champagne (TRIUMF), Arash Panahifar (CLS) et Cheryl Duzenli (BC Cancer Agency).

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