Les membranes à base de nanotubes font décoller la technologie des voilures déformables

- Ottawa, Ontario

Les voilures d'avion déformables s'inspirent des oiseaux et des chauves-souris

Si vous observez par un hublot de cabine les ailes d'un avion de ligne, vous pourrez distinguer les volets sur le bord d'attaque et le bord de fuite qui s'étendent et se rétractent au décollage et à l'atterrissage. Lorsque les volets du bord d'attaque se déplacent, ils déforment l'aile pour augmenter la portance au décollage et ouvrent des fentes pour la circulation de l'air. En passant par ces fentes, l'air produit un bruit audible tout autour de l'aéroport et dans les quartiers alentour. L'air en ressort également turbulent, augmentant donc du même coup la traînée des ailes et la consommation en carburant de l'avion.

À l'échelle de la planète, les lignes commerciales consomment environ 370 milliards de litres de carburant par an et les voyages par avion sont responsables d'environ 2 % des émissions annuelles totales de CO2. Avec l'augmentation croissante de la demande dans le secteur du transport aérien des passagers et des marchandises, le bruit et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne peuvent qu'augmenter.

Heureusement, une solution qui permet d'éliminer les fentes créées par les volets, de réduire le bruit des avions en vol, d'améliorer leurs performances aérodynamiques et de réduire leur consommation en carburant est en cours de mise au point. Baptisée voilure déformable, cette aile innovante peut se déformer, plier et s'allonger en fonction des conditions, un peu comme les ailes des chauves-souris et des oiseaux. Les ailes déformables sont recouvertes de membranes qui, comme les écailles ou les plumes qui se superposent, peuvent s'étendre ou se contracter durant le vol. Ces membranes doivent donc être à la fois élastiques et capables de soutenir une charge.

« La communauté aérospatiale s'intéresse de près aux technologies des éléments aéronautiques déformables et autres structures connexes, explique Wajid Chishty, responsable de programme au Centre de recherche en aérospatiale du CNRC. L'un des principaux défis reste aujourd'hui le manque de matériaux adéquats pour fabriquer les membranes extensibles indispensables au développement des ailes déformables. »

Mais la collaboration mise en place entre le Centre de recherche en aérospatiale et le Centre de recherche sur les technologies de sécurité et de rupture du CNRC devrait faire évoluer la situation.

Innovation en profondeur

Michael Jakubinek, agent de recherches en technologies de sécurité et de rupture, a inventé conjointement un nanocomposite qui peut être adapté à la membrane conçue pour la voilure déformable.

Au cours des dernières années, Michael Jakubinek et ses collègues en technologies de sécurité et de rupture et ceux du Centre de recherche en aérospatiale ont mis au point des feuilles de carbone dont la texture rappelle celle d'un tissu et qui sont accolées à une feuille extensible en polyuréthanne. « Les propriétés de ce nanocomposite peuvent être ajustées de manière à le rendre plus rigide qu'un élastique tout en le gardant extensible de manière réversible, explique-t-il. C'est la combinaison de propriétés dont on a besoin pour une membrane de voilure déformable. » Il souligne que sans la collaboration du Centre de recherche en aérospatiale, il n'aurait jamais pensé à appliquer le matériau à la conception d'une voilure déformable. « Nous avons reconnu ensemble la possibilité d'utiliser ce nouveau matériau pour surmonter un important défi dans le secteur de l'aéronautique. »

Pour être appliquées comme une membrane extensible, les feuilles de nanotubes sont laminées de part et d'autre d'une couche de polyuréthanne puis combinées à une sous-structure extensible qui soutient la membrane. Les équipes des deux centres de recherche du CNRC ont aussi fait appel à la modélisation par éléments finis et à l'impression 3D pour concevoir et fabriquer diverses structures de soutien. La membrane, la sous-structure imprimée en 3D et le mécanisme de déformation ont été combinés pour produire un prototype d'aile de 2 m de long et 25 cm de large dotée d'un bord d'attaque capable de s'allonger de 20 % entre sa configuration au décollage et sa configuration de croisière.

« Grâce à notre équipe qui s'est penchée sur tous les aspects du projet, de l'aérodynamisme à la conception technique et du choix des matériaux à la fabrication du prototype, nous avons réussi à construire un démonstrateur technologique qui offre une solution pour chacun des aspects les plus difficiles de ce défi, ajoute M. Chishty. Nous sommes convaincus qu'en nous attaquant aux obstacles les plus sérieux, nous amenons des innovations qui ont un impact à plus long terme sur l'industrie. »

Envolée vers le futur

Le modèle d'essai marque une étape clé dans une longue étude et les efforts de développement qui vont continuer à être déployés en collaboration avec l'industrie et les organismes gouvernementaux. Une nouvelle direction, par exemple, consistera à appliquer cette technologie au bout des ailes. « Il s'agira d'un simple ajout et il ne sera donc pas nécessaire de changer l'aile dans son entier, précise M. Jakubinek. Une autre voie consistera à tester cette technologie sur les véhicules sans pilote ou pour les applications non aéronautiques. »

Si la technologie des voilures déformables est adoptée à grande échelle, les bénéfices pourraient être substantiels. En plus d'éliminer la plus grande partie du bruit généré par les ailes, elle pourrait réduire de plus de 10 % la consommation des avions. Une telle réduction s'accompagnerait d'une réduction des émissions de GES de près de 90 millions de tonnes sur une année pour le seul secteur de l'aviation commerciale. La multifonctionnalité de cette technologie, son faible poids et son adaptabilité en continu à diverses conditions en font une candidate idéale pour les avions du futur.

En bref, la technologie des voilures déformables prend son essor.

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