Les exigences plus sévères destinées à réduire la consommation de combustibles fossiles ont engendré de nouvelles stratégies de fabrication qui suscitent des problèmes inédits, notamment en matière de corrosion.
La nouvelle voiture écoénergétique que vous venez d'acheter pourrait être fabriquée à partir d'une combinaison d'acier lourd et de matériaux plus légers, comme l'aluminium ou des composites. Bien qu'elle soit écologique, plus rapide et plus légère que toutes les autres voitures que vous avez possédées, le mélange de matériaux (alliages) peut déclencher de nouveaux types de corrosion. Celle-ci peut apparaître entre 2 métaux dissemblables, dans les interstices entre les pièces ou dans les composants soumis à des contraintes. L'allègement, un procédé qui vise à fabriquer des produits moins lourds, soulève également de nouveaux problèmes de corrosion dans les véhicules plus gros tels que les trains, les autobus, les camions et les remorques.
Si l'acier entre depuis toujours dans la fabrication d'un véhicule, d'autres métaux, comme l'aluminium, plus léger, se sont désormais imposés en tant que solution de rechange. Malheureusement, ils ne pourront jamais remplacer totalement le premier. Quand ces matériaux se fixent sur l'acier, cela ouvre la porte à la corrosion, surtout lorsque les joints entrent en contact avec des éléments destructeurs comme le sel de déglaçage en hiver.
Alors que la demande d'efficacité augmente et que de nouveaux matériaux entrent dans la fabrication, l'industrie automobile s'efforce plus que jamais de comprendre en profondeur le comportement de ces matériaux afin de les rendre plus durables.
Cependant, les outils disponibles pour analyser ces nouvelles formes de corrosion se sont avérés inadéquats. Dans le passé, il était courant de pulvériser une solution saline sur le métal dans des locaux réservés à l'étude de la corrosion. Or, cette méthode ne peut pas reproduire les nouveaux types de corrosion qui résultent de l'utilisation de combinaisons innovantes de métaux. De plus, elle ne fournit non plus aucun exemple concret de ce qui se passe sur la route dans différentes conditions.
Orienté sur la fabrication de produits métalliques et spécialisé en fabrication numérique, le groupe industriel de recherche et développement (R-D) METALTec du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a vu dans cette difficulté la chance de mettre son expertise à bon usage. Piloté par le CNRC, le groupe, qui a pour mission de perfectionner les procédés métallurgiques et les produits qui en découlent, a pris la tête des recherches pour trouver une solution novatrice au problème qui confond l'industrie. « Nous avons réalisé que l'on ne pourrait surmonter ces difficultés sans de nouveaux outils », confie Marc-Olivier Gagné, chercheur du CNRC spécialisé en métallurgie et en corrosion. « Nous avons commencé avec des moyens couramment employés en génie mécanique, mais que l'on n'avait encore jamais appliqués à la science de la corrosion. » Parmi eux, mentionnons la simulation sur ordinateur, l'apprentissage automatique (AA) et l'intelligence artificielle (IA).
En route vers une solution
Pour concevoir des outils fiables appuyés par l'AA et l'IA, on a besoin de données tout aussi fiables. C'est pourquoi les spécialistes en corrosion du Centre de recherche sur l'automobile et les transports de surface du CNRC ont décidé d'installer divers capteurs et échantillons sur des véhicules qu'ils ont conduits dans de véritables conditions routières. M. Gagné signale que les 2 véhicules expérimentaux qui sillonnent les routes — un camion de 26 pieds et une remorque de 53 pieds — recueillent des données sur la température, l'humidité, l'hygrométrie, la température en surface et le reste.
« Des enregistreurs de données et des modems nous permettent de suivre chaque véhicule et transmettent une multitude de données aux réseaux du CNRC, poursuit-il. Ils brossent un tableau complet des conditions routières, ce qui nous aide à bâtir des modèles pour les simuler et effectuer des prévisions sur la corrosion dans telle ou telle situation, avec telle ou telle combinaison de matériaux. »
Outre ces modèles, employés pour les simulations, le groupe de R-D espère combler l'écart entre la réalité de la corrosion et les essais en laboratoire, cela afin de procurer à sa clientèle les statistiques fondées sur les conditions réelles dont elle a besoin. Dans cette optique, l'équipe a créé une base de données sur des variables (points de réglage) comme la température, l'humidité et le brouillard salin pour jauger la performance des métaux aux laboratoires du Centre des technologies de l'aluminium du CNRC, à Saguenay, au Québec. « L'an dernier, nous avons aménagé une nouvelle chambre de corrosion spéciale qui a été étalonnée avec les données recueillies par les capteurs, sur la route », explique le chercheur. « Nous avons débuté avec 50 000 lignes de données, mais c'était trop pour la chambre d'essai. J'ai donc concentré ces chiffres dans un modèle à apprentissage automatique qui groupe les données et en fait la synthèse pour les ramener à un volume gérable, soit 50 nouveaux points de réglage. C'est ici que les ordinateurs nous ont été utiles. Nous avons recouru à un algorithme de groupement qui a réduit le jeu de données initial à une poignée de points de réglage, capable de reproduire avec exactitude les conditions réelles. »
Pour mieux comprendre les réactions chimiques à l'origine de la corrosion dans les alliages, les chercheurs du CNRC ont invité Janine Mauzeroll, professeure au Département de chimie de l'Université McGill, de se joindre à eux. « Ils voulaient déterminer les microstructures où la corrosion s'amorce dans l'alliage et quantifier l'importance des dommages subséquents, explique-t-elle. Ces données sont saisies dans le modèle d'IA qui prévoit la longévité de l'alliage et la manière dont on devrait l'entretenir. »
Prendre en main notre avenir
Selon Mme Mauzeroll, cette collaboration étroite illustre bien comment le gouvernement et le milieu universitaire peuvent nouer des liens durables qui non seulement bénéficieront à l'industrie, mais aussi aideront les étudiants à acquérir de l'expérience et à développer leurs talents en recherche. « Former des gens à tous les niveaux est capital parce que, quand ils concourent tous à la recherche, les membres d'une équipe n'ont qu'une hâte : qu'elle aboutisse. »
De plus, elle note avec satisfaction qu'avec le temps, le CNRC a établi de solides relations avec l'industrie. Ainsi, les 2 parties ont l'occasion de combiner leurs talents respectifs. « Dans le cas qui nous intéresse, les relations intimes entre le CNRC et l'industrie accéléreront le développement de solutions, car le groupe industriel de R-D, qui compte au-delà de 25 entreprises, pourra les tester sur de vrais véhicules et les modifier s'il le faut. »
Selon M. Gagné, les données aideront les constructeurs d'automobiles et les fabricants de pièces à évaluer correctement la fragilité des montages à la corrosion. En d'autres termes, la technologie du CNRC servira à adapter et à tester les modèles en vue de rendre les montages plus sûrs, d'en réduire le coût et de prolonger la vie du véhicule. « D'autres pays ont également signalé qu'ils aimeraient adapter leurs épreuves sur route à la chaleur extrême. »
Le fait que tant de disciplines se soient attaquées au problème et que l'industrie contribue aux essais sur le terrain fait dire à M. Gagné que la nouvelle technologie sera offerte sur le marché d'ici à cinq ans, d'autant plus que les simulations et les applications AA ont déjà atteint un niveau de maturité appréciable. Il n'en va toutefois pas autant de la nouvelle chambre de corrosion du CNRC, où les tests commencent à peine. « L'avantage d'une telle approche est que l'industrie n'a pas besoin de concevoir ses propres simulateurs ni de développer un code bien à elle : elle n'a qu'à prendre le volant. »
Chapeautée par le groupe industriel de R-D METALTec, qui cherche à bâtir une communauté scientifique pour catalyser l'innovation en métallurgie, cette initiative montre combien la collaboration entre l'industrie et les universités facilite la résolution des problèmes de fabrication. Pour consulter tous les résultats du projet ou se joindre au groupe industriel de R-D METALTec, les entreprises et les organisations intéressées peuvent communiquer avec l'Agent, Développement des affaires David Prud'homme.
Ce projet est financé par Ressources naturelles Canada et le Centre québécois de recherche et de développement de l'aluminium (CQRDA).
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