Pour s'attaquer aux émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par des moteurs diesel de grosse cylindrée, des scientifiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) ont mis au point des stratégies d'utilisation de l'ammoniac, obtenant ainsi des réductions globales de 50 % à 60 % des GES lors d'essais en laboratoire.
Alors que le Canada progresse vers la décarbonation de son secteur des transports, l'électrification et les moteurs à hydrogène s'avèrent très prometteurs en tant que technologies zéro émission. Mais pour certaines applications de transport, les inconvénients de ces systèmes — la densité énergétique relativement faible des batteries, par exemple, ou l'infrastructure complexe de transport et de stockage requise pour gérer l'hydrogène — constituent un obstacle de taille au remplacement des moteurs diesel qui ont déjà fait leurs preuves.
« Il est impossible de recharger une batterie sur un navire en route du Canada vers l'Europe », explique Hongsheng Guo, agent de recherches au CNRC. De plus, il est particulièrement difficile de trouver un substitut à l'efficacité et à la polyvalence de l'énergie diesel dans les secteurs du transport maritime, des véhicules miniers lourds et des locomotives longue distance.
Grâce à des recherches de pointe, M. Guo, Shouvik Dev, agent de recherches au CNRC, et leur équipe du programme Avancées en énergie propre du CNRC ont ouvert de nouvelles voies en explorant le potentiel de l'ammoniac comme carburant sans carbone pour les moteurs diesel dans ces secteurs où il est difficile de décarboner les sources d'énergie.
L'ammoniac : facilement disponible, mais avec quelques inconvénients.
Abondamment utilisé dans l'agriculture, l'ammoniac figure parmi les 10 produits chimiques industriels les plus couramment produits dans le monde. Gaz à température et pression ambiantes, l'ammoniac peut être comprimé et liquéfié à des pressions bien inférieures à celles de l'hydrogène, ce qui le rend nettement plus facile à stocker et à transporter. Il a également une densité énergétique presque 2 fois supérieure à celle de l'hydrogène.
Dans le passé, l'intérêt pour l'ammoniac en tant que carburant est allé des applications exotiques à des recherches plus concrètes sur son potentiel en tant que carburant de remplacement sans carbone pour les moteurs à combustion interne. À titre d'exemple, la NASA et l'armée de l'air américaine ont battu des records dans les années 1960 avec l'avion expérimental X15 propulsé par un moteur-fusée alimenté à l'ammoniac.
Mais jusqu'à présent, les ingénieurs n'ont pas réussi à obtenir une efficacité comparable à celle du diesel à partir de l'ammoniac, tout en gérant les problèmes de sécurité et de pollution liés à l'utilisation de cette substance en tant que carburant. Bien qu'il ne contienne pas de carbone, l'ammoniac est corrosif et toxique à faible concentration. Lorsque l'ammoniac est brûlé, les sous-produits comprennent des oxydes d'azote (NOx), qui sont à l'origine des pluies acides, et de l'oxyde nitreux (N2O), un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). De plus, puisque la vitesse de propagation de la flamme de l'ammoniac est relativement faible et les limites d'inflammabilité sont étroites, une grande quantité de cette substance peut traverser un moteur sans brûler du tout, un phénomène connu sous le nom de « fuite d'ammoniac ».
Trouver une voie d'avenir pour la technologie de bicarburation ammoniac-diesel
Dans 2 articles publiés dans Fuel en avril et en mai 2022, qui figurent désormais parmi les publications les plus citées dans le domaine, l'équipe du CNRC a étudié les performances d'un moteur diesel de grosse cylindrée fonctionnant avec un mélange ammoniac-diesel.
L'équipe a utilisé un modèle informatique de dynamique des fluides validé par des données provenant d'expériences menées dans les installations d'essai de moteurs à combustion propres du CNRC à Ottawa pour examiner les effets de la variation du rapport ammoniac/diesel dans le mélange de carburant et du réglage du moment de l'injection du diesel. Les scientifiques ont également étudié les répercussions de la division de l'injection de diesel en deux impulsions distinctes pendant le cycle de puissance du moteur. En optimisant ces paramètres, ils ont pu obtenir un rendement proche de celui du diesel tout en réduisant les émissions globales de gaz à effet de serre.
« Nous avons déterminé les mécanismes fondamentaux et les causes des problèmes potentiels liés à la combustion de l'ammoniac, explique M. Guo. Nous avons ensuite formulé des stratégies pour résoudre ces problèmes, notamment en améliorant le mélange pendant la combustion, en renforçant la propagation de la flamme pour réduire les fuites d'ammoniac et en réduisant les émissions de NOx et de N2O ».
« Nous avons constaté que nous pouvions remplacer environ 70 % du diesel par de l'ammoniac, avec la possibilité de réduire les émissions globales de gaz à effet de serre de 50 à 60 % ».
Réduire les émissions tout en conservant l'efficacité
En partenariat avec d'autres organismes publics, l'industrie et le monde universitaire, l'équipe du CNRC poursuit ses travaux sur le développement d'une technologie de bicarburation ammoniac-diesel. L'objectif est de progresser dans la résolution des problèmes liés aux fuites d'ammoniac et aux émissions de NOx et de N2O, tout en conservant l'efficacité qui fait la réputation des moteurs diesel.
« En ce qui concerne la gestion de ces défis en matière d'émissions, il ne faut pas oublier que la principale raison pour laquelle le moteur diesel est si populaire, c'est son efficacité inhérente, explique M. Dev. Quoi que nous fassions pour relever ces défis, nous devons maintenir cette efficacité, voire l'améliorer ».
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