Les systèmes de communication en espace libre utilisent la lumière laser pour transmettre des données à travers l'atmosphère — ou l'« espace libre » —, sans faire appel à des câbles, dans le cadre d'applications relevant des télécommunications ou des réseaux informatiques. Cette nouvelle technologie présente un intérêt majeur pour le développement des systèmes de communication de prochaine génération qui, au Canada, pourraient aider à relever le défi de fournir une connectivité fiable et à haute vitesse aux communautés rurales ou éloignées. Les systèmes de communication en espace libre peuvent atteindre des débits de transfert de données supérieurs aux systèmes offerts par la technique classique des radiofréquences tout en étant plus légers et moins gourmands en électricité.
Pour aider à faire passer cette technologie de la conception à la mise sur le marché, le programme Défi « Réseaux sécurisés à haut débit » (RSHD) a facilité une collaboration entre le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), l'Université d'Ottawa et l'entreprise canadienne Optiwave Systems Inc. (en anglais seulement) Cette collaboration a donné naissance à un logiciel de simulation qui permet aux concepteurs techniques de modéliser et d'évaluer les performances des systèmes de communication en espace libre en cours de développement avant la construction de prototypes ou de systèmes commerciaux. Ce logiciel permet aux concepteurs de simuler divers transmetteurs et récepteurs, différents effets atmosphériques tels que la scintillation et toute une gamme de conditions météorologiques comme les chutes de pluie ou de neige, la brume, le brouillard, tous des facteurs qui peuvent affecter les vitesses de transmission.
Validation d'un produit canadien novateur
La fibre optique, qui fut une innovation révolutionnaire pour la transmission d'un signal à l'aide de la lumière, est aujourd'hui une technologie bien établie utilisée sur les réseaux de communications câblés. Mais les systèmes de transmission dans l'espace libre sont maintenant prêts à faire passer ces réseaux à un tout autre niveau, avec l'avantage appréciable de pouvoir atteindre des régions où les connexions par câbles sont impossibles ou trop difficiles à mettre en place. Ces systèmes émettant des rayons laser dans l'atmosphère terrestre, il peut cependant être difficile de prévoir comment les turbulences de l'air et la météorologie locale influenceront les rayons émis, ce qui complique sérieusement toute modélisation. C'est ici qu'entre en jeu le nouveau logiciel d'Optiwave.
Pour aider l'entreprise à valider la capacité de son logiciel à faire ce type de prévision de manière précise, le CNRC et l'Université d'Ottawa ont collaboré à la mise au point de transmetteurs et de récepteurs pilotes et grandeur nature pour le tester. Ces stations d'essais serviront également à étayer les travaux entrepris dans le cadre de l'étape suivante du projet qui portera sur des relais de communication à haute altitude, d'aéronefs sans équipage (ASE) et des satellites éloignés. « À partir de là, nous pouvons créer des systèmes et des modèles numériques applicables aux communications par ASE », explique Mme Karin Hinzer (Ph. D.), professeure titulaire de la chaire de recherche universitaire sur les dispositifs photoniques pour l'énergie à l'Université d'Ottawa.
Ces progiciels pourront également modéliser les systèmes de transmission optique, une technologie émergente qui utilise des lasers pour transmettre de l'énergie sans recourir à des câbles afin d'alimenter des dispositifs tels que des capteurs ou des drones. Composants clefs de ces systèmes, les convertisseurs d'énergie photonique, qui transforment la lumière laser en énergie électrique, ont été utilisés pour démontrer le gain en rendement obtenu sur de grandes distances. « Ils sont uniques au monde, car ils permettent de transférer de l'énergie à une tension précise et avec une très grande efficacité, poursuit Mme Hinzer. Cela signifie que les utilisateurs peuvent transformer l'énergie du laser en électricité aussi bien à l'intérieur de l'atmosphère terrestre que dans l'espace. »
Les puces de conversion de puissance ne sont pas limitées à des systèmes qui envoient des rayons laser entre des points fixes, mais elles peuvent également être installées sur des plateformes mobiles pour ravitailler en énergie des ASE ou des drones positionnés à des distances variables.
L'équipe de recherche a installé des relais laser entre diverses cibles et un observatoire miniature sur le toit d'un immeuble du CNRC à Ottawa, en Ontario. Cette station de 2,5 m, baptisée ARTEMIS, avait été initialement conçue et construite pour des travaux de recherche en astronomie, mais elle s'est avérée facilement adaptable à l'étude des relais de communication laser.
Selon M. Ross Cheriton (Ph. D.), agent de recherches au Centre de recherche en quantique et en nanotechnologies du CNRC, le projet permet de faire avancer la technique de communication descendante satellite-sol à l'aide de lasers. En fait, les scientifiques ont d'ores et déjà commencé à modifier ARTEMIS pour permettre de communiquer avec des satellites internationaux déjà en orbite et avec de nouveaux satellites.
« Ce type d'expérience devrait aussi permettre de valider les modèles d'Optiwave pour ce qui est des performances à plus grandes distances, sur plusieurs centaines de kilomètres, indique M. Cheriton. Dans les installations d'essais du CNRC, nous fabriquons également de nouveaux dispositifs comme des détecteurs et des récepteurs capables de compenser automatiquement l'effet des turbulences dans l'espace libre. »
Selon M. Ahmad Atieh (Ph. D.), vice-président de la Division des systèmes optiques d'Optiwave, le simulateur optique en espace libre conçu par sa société est une première mondiale. « Ce modèle élaboré par Optiwave est le logiciel de référence pour obtenir des résultats fiables parce qu'il a déjà été soumis à des tests poussés dans l'espace et au sol », explique-t-il. Le produit a été développé pour des clients canadiens, mais il a suscité beaucoup d'intérêt en Asie et ailleurs dans le monde où la mise en place d'une connectivité fiable vers des zones éloignées est une tâche ardue.
L'union fait la force
M. Cheriton note que la nature collaborative de ce projet a parfaitement illustré l'approche typiquement adoptée par le CNRC qui consiste à rassembler des entreprises innovantes, une expertise scientifique, une infrastructure de recherche et un soutien financier pour affronter des défis qui concernent directement les communautés et le secteur privé du pays.
« Le financement reçu dans le cadre du programme Défi "Réseaux sécurisés à haut débit" a permis d'accélérer ces travaux de recherche-développement, explique-t-il. Il est rare qu'un projet offre des retombées positives aux concepteurs technologiques après, non pas plusieurs années d'études, mais seulement quelques mois. Nous y sommes parvenus en alimentant directement les outils de conception de nos logiciels avec les résultats expérimentaux. »
M. Atieh ajoute que la collaboration d'Optiwave avec des spécialistes de renom du CNRC et de l'Université d'Ottawa a été cruciale pour développer la confiance des clients. « La validation du logiciel par le CNRC, combinée à nos essais au sol, nous a permis de mettre au point un outil précieux et fiable pour les scientifiques, les concepteurs et les entrepreneurs qui participent au développement des technologies optiques en espace libre, une avenue prometteuse pour l'accélération et une fiabilité accrue des télécommunications dans les régions rurales et éloignées. »
Ces travaux de recherche ont été soutenus par des subventions et des contributions accordées dans le cadre du Programme de collaboration en science, en technologie et en innovation (PCSTI) administré par le Bureau national des programmes du CNRC.