Le grand réseau millimétrique/submillimétrique de l'Atacama (ALMA), plus grand radiotélescope de la planète, dans le désert du même nom, dans le nord du Chili, aura bientôt un cerveau neuf.
Au cours des 5 prochaines années, le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) s'alliera au National Radio Astronomy Observatory (NRAO) de la National Science Foundation (NSF) des États-Unis, à l'Observatoire Haystack du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et à un partenaire de l'industrie canadienne pour mettre à niveau le « cerveau » de l'ALMA, c'est-à-dire son corrélateur central. Ce système indispensable combine les données des 66 antennes massives du radiotélescope pour produire une image de haute résolution des nuages de poussière et de gaz à l'origine des galaxies, des étoiles, des planètes et de la vie proprement dite.
Le conseil d'administration de l'ALMA vient de donner le feu vert au plan dressé par le CNRC, le NRAO et l'Observatoire Haystack du MIT pour procéder à la première mise à niveau majeure du corrélateur central depuis que les observations ont débuté, en 2011. Une importante part des 33 millions de dollars américains réservés au projet ira à l'industrie canadienne qui bâtira le matériel et le programmera.
Le nouveau corrélateur joue un rôle capital dans une initiative plus ambitieuse encore : la feuille de route ALMA2030 de 100 millions de dollars américains qui accroîtra la sensibilité du télescope aux largeurs de bande (l'initiative WSU). Les corrélateurs actuels de l'ALMA figurent parmi les superordinateurs les plus rapides de la planète. Au cours des 10 prochaines années, cette mise à niveau en doublera et éventuellement quadruplera la rapidité globale d'observation. Dans certains cas, le nouveau corrélateur central accélérera les observations par un facteur de 52.
Le projet améliorera la sensibilité, la souplesse et l'efficacité du télescope, sans que cela coûte plus qu'une fraction du milliard de dollars américains investi à l'origine dans l'instrument. On doit cette formidable prouesse aux dizaines d'années que le CNRC, l'un des chefs de file mondiaux actuels dans le domaine des corrélateurs, a consacrées à la recherche-développement dans la science du numérique.
« Jamais encore nous n'avons réalisé des balayages du spectre aussi efficaces, à une si haute résolution. Grâce à cela, l'ALMA demeurera à la fine pointe des découvertes scientifiques », a affirmé Luc Simard, directeur général du Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du CNRC.
La mise à niveau du corrélateur (le processeur central de signaux TALON de l'ALMA ou AT.CSP, comme on l'appelle également) est un projet collaboratif. En effet, le CNRC dirige la mise au point du matériel et des micrologiciels, le NRAO pilote l'élaboration des logiciels et l'Observatoire Haystack du MIT veille au développement qui permettra au corrélateur d'engendrer les données pour l'interférométrie à très longue base (VLBI), technique qui permet de synchroniser les réseaux internationaux de télescopes pour obtenir la résolution angulaire d'un télescope dont la taille équivaut à celle de la Terre.
« L'AT.CSP et la mise à niveau de la largeur de bande à l'ALMA, une fois combinés, accroîtront nettement la sensibilité et la marge de manœuvre du télescope en VLBI. Nous brûlons d'impatience à l'idée des passionnantes et nouvelles possibilités qu'ouvrira cette science à ultrahaute résolution en permettant l'étude d'objets comme les trous noirs, les galaxies lointaines et les étoiles moribondes, dans notre bulle locale de l'Univers », a expliqué Lynn Matthews, chercheuse principale à l'Observatoire Haystack du MIT.
La collaboration alimente la recherche aux frontières de la science
Au cours des dix premières années de son exploitation, l'ALMA a contribué à élucider plusieurs énigmes : la formation des planètes, les disques protoplanétaires ―disques de gaz dense et de poussière gravitant autour d'une jeune étoile ―et les nuages invisibles de gaz et de poussière qui engendrent les corps cosmiques. Durant la même période, le CNRC a fourni les cartouches du récepteur de la bande 3, utilisées pour mettre en service et étalonner l'ALMA, mais aussi pour réaliser une grande variété d'observations scientifiques. Parallèlement, le CNRC a mis au point un corrélateur pour le très grand réseau (VLA) Karl G. Jansky de la NSF, le plus grand radiotélescope centimétrique au monde de l'époque. La décennie qui s'amorce donnera lieu à plusieurs mises à niveau dans le cadre de l'initiative WSU. Le corrélateur de deuxième génération de l'ALMA et son système de transmission numérique (DTS pour Digital Transmission System) en sont les 2 premiers projets.
« Le corrélateur de deuxième génération de l'ALMA nous procurera des informations beaucoup plus rapidement, quasi instantanées, sur les sources radioélectriques à imager, car le nombre de bandes spectrales passera de 32 000 à 600 000 », explique Brent Carlson, chercheur principal du CNRC responsable de la construction du corrélateur. « Bref, dans peu de temps, les scientifiques se noieront virtuellement dans les données. »
Le DTS est une collaboration entre l'Observatoire d'astronomie national du Japon (NAOJ) et le NRAO. Il agira comme une autoroute de l'information élargie, augmentant la quantité de données pouvant être transmises des récepteurs améliorés de l'ALMA au nouveau corrélateur.
Le corrélateur central et le DTS devraient être prêts pour les tests d'observation d'ici à 2026. Une fois achevé, le projet ALMA2030 aura aussi permis la mise à niveau des systèmes principaux et auxiliaires ainsi que des récepteurs du centre de soutien des opérations. Ces systèmes et leurs composants, fournis par le NRAO, l'Observatoire européen austral (ESO) et le NAOJ, feront en sorte que le télescope de l'ALMA demeure aux frontières de la science pendant encore des décennies.
« Notre partenariat avec le CNRC, qui ne date pas d'hier, a permis à l'ALMA de rester à la fine pointe de la radioastronomie, tout en procurant des ressources indispensables en recherche, aux scientifiques », affirme Crystal Brogan, scientifique attachée au programme nord-américain de l'ALMA et coordonnatrice du le programme de développement de l'ALMA, au NRAO. « Grâce au nouveau corrélateur central, les astronomes du monde entier pourront étudier l'origine des galaxies les plus lointaines, l'émergence de la complexité chimique dans l'Univers et la formation des planètes avec une précision sans précédent. »
Le CNRC brille par sa maîtrise dans le domaine des corrélateurs
Avec ses innombrables contributions à l'astronomie et à l'astrophysique, le CNRC n'en est pas à ses premiers pas dans le développement de corrélateurs numériques pour la radioastronomie.
Au début des années 1970 sont d'abord venus les corrélateurs destinés aux télescopes du CNRC, à son observatoire de Penticton, en Colombie-Britannique. Une vingtaine d'années plus tard, le CNRC a commencé à concevoir des corrélateurs pour les radiotélescopes de la planète, notamment le corrélateur S2 du radiotélescope spatial japonais, dans le cadre du programme VSOP (VLBI Space Observatory Program ou programme de l'observatoire spatial d'interférométrie à très longue base). Y ont fait suite le système ACSIS (Auto Correlation Spectral Imaging System ou système automatique de corrélation des images spectrales) du télescope James Clerk Maxwell et le corrélateur du très grand réseau Jansky (JVLA), dans les années 2000.
Au cours de la dernière décennie, le CNRC et l'un de ses partenaires de l'industrie canadienne ont piloté le consortium du processeur central de signaux du SKAO et mis au point un modèle de corrélateur pour le radiotélescope à fréquences moyennes du SKA dont s'inspire le corrélateur de l'ALMA. Les interféromètres, ou appareils de mesure, des réseaux d'antennes du JVLA et de l'ALMA sont des installations scientifiques majeures dans le monde, et leurs corrélateurs viendront du CNRC. Le CNRC a fermement établi leadership intellectuel dans le traitement des signaux par les corrélateurs et le développement de ces appareils, transférant son savoir à l'industrie canadienne afin qu'elle en tire des applications dans des domaines connexes.
En janvier 2023, le Canada a annoncé son intention de devenir membre à part entière de l'observatoire international de radioastronomie SKAO. Le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du CNRC représentera le Canada dans la gouvernance du SKAO et travaillera avec des partenaires nationaux et internationaux pour livrer des principaux systèmes de l'observatoire.
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