Analyse d'échantillons de molécules avec un spectromètre de masse du CNRC
Dag Hammarskjöld déclara un jour « le plus long périple est celui qui conduit au plus profond de soi ». En tant que diplomate et homme d'État, ce lauréat du prix Nobel de la paix connaissait assurément ce qui peut faire entrave au progrès humain. Figure emblématique, Dag Hammarskjöld était secrétaire général d'une Organisation des Nations unies naissante et n'ignorait pas qu'avant de parvenir au stade suivant de son évolution, l'humanité devrait faire plus que voler jusqu'à la lune. L'être humain devrait apprendre à se transformer lui-même.
Dans le monde actuel de la recherche biomédicale, aucune réalité n'est plus criante que celle-là. Au sens littéral. En effet, depuis quelques décennies, une technologie révolutionnaire n'attend pas l'autre en thérapeutique : nous avons séquencé le génome humain, appris à moduler les bases mêmes de la vie en modifiant l'ADN, inventé de nouvelles façons d'altérer gènes et virus, et découvert comment fabriquer des cellules et des molécules. Pourtant, si ces technologies ne peuvent être appliquées là où elles devraient l'être, c'est-à-dire dans des cellules bien précises, peut-être ne connaîtrons-nous jamais leur efficacité véritable.
Les scientifiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) ne ménagent pas leurs efforts pour inventer de nouveaux moyens d'amener les produits thérapeutiques aux cellules de l'organisme auxquelles ils sont destinés. La chose est peut-être dure à croire, mais, alors que les technologies du 21e siècle nous entourent de toute part et que nous avons foulé le sol de la lune, l'être humain réussit encore difficilement à faufiler des molécules thérapeutiques à l'intérieur de ses propres cellules.
Une navette pas comme les autres
Séquençage de l'ADN d'un échantillon
our bien des gens, le mot « navette » évoque un véhicule qui emporte des astronautes dans l'espace. Il est facile de comprendre pourquoi. Le programme de la navette spatiale a enflammé l'imagination, nous a fait rêver de mondes lointains que l'être humain pourrait un jour explorer. Depuis quelques années cependant, l'entreprise québécoise Feldan Therapeutics travaille sur une tout autre navette, une navette qui, espère-t-on, nous aidera à franchir de nouvelles frontières en acheminant des molécules à visée thérapeutique dans des cellules malades.
Lorsqu'elle a ouvert ses portes, en 2007, Feldan s'intéressait surtout au développement de produits et de services de recherche. Huit ans plus tard, elle bifurquait vers la création de ce qu'elle a baptisé la Navette Feldan — une plateforme technologique capable de livrer des protéines directement à l'intérieur des cellules. La Navette Feldan permet l'administration d'anticorps, de peptides, de nucléases actives (pour modifier les gènes) et de facteurs de transcription (pour moduler les gènes). Plus récemment, l'entreprise a tenté de voir si sa technologie pourrait servir à soigner certaines maladies comme la fibrose kystique ou le carcinome basocellulaire.
« Lorsque nous ne nous intéressions qu'aux protéines recombinantes, la majeure partie du travail s'effectuait in vitro », explique François-Thomas Michaud, Chef de direction. « La navette, en revanche, qui est un vecteur de transport pour les systèmes biologiques, exige certaines preuves devant être recueillies dans un cadre d'essais précliniques (in vivo). S'associer avec le CNRC nous a permis de répondre à cet objectif, leurs outils et spécialistes étant complémentaires aux nôtres en matière de recherche-développement préclinique. »
Au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine du CNRC, nous collaborons avec nos partenaires de l'industrie, du milieu universitaire et du gouvernement pour faire progresser les médicaments biologiques novateurs et en accélérer le développement au Canada. Actuellement, nous explorons les applications éventuelles de la navette avec l'entreprise, dans le cadre d'études de validation qui détermineront si nous pouvons, par exemple, nous en servir pour activer des thérapeutiques évoluées dans les cellules de l'épiderme ou des poumons.
François-Thomas Michaud, Chef de la direction de Feldan Therapeutics.
« Nous sommes persuadés que l'administration de molécules d'origine biologique aura un impact extrêmement bénéfique sur la qualité de vie des patients », estime M. Michaud. « Cette vision se concrétise définitivement plus facilement en ayant accès au genre d'expertise scientifique que détient le CNRC. Le programme de bons pour la R-D, notamment, nous a permis de poursuivre cette collaboration à moindres frais, un aspect crucial pour une entreprise en plein essor comme la nôtre. Heureusement que le CNRC facilite l'élaboration de nouvelles technologies et la poursuite de projets ambitieux. Après tout, l'aide à l'innovation commence à la maison. »
Bien que ces recherches palpitantes n'aillent pas sans difficulté, le jeu pourrait en valoir la chandelle. En effet, plus nous en apprendrons sur nous-mêmes et mieux nous tracerons notre chemin dans le monde en perpétuelle évolution qui est le nôtre.